Jean-Paul Chablais ou l'art du mouvement.
L'art moderne s'affirma, on le sait, en instruisant le procès de la forme de l'oeuvre. Il fallait rendre la matière à elle-même. On rêvait d'un espace sans contrainte où volumes et plans, lignes et couleurs, mots et sonorités s'exerceraient aux jeux sans fin de la combinatoire.
Les sculptures de CHABLAIS procèdent de cette inspiration et pourtant la mettent en question; elles ne sacrifient pas à la facilité de la rupture radicale qui fascinait déjà Flaubert. Dans son univers de pierre, l'artiste ne s'efface plus et la forme retrouve alors droit de cité.
D'un seul corps, d'un seul visage faire surgir une foule.
Provocation? Retour au passé. Les oeuvres montrent qu'il n'en est rien. Simplement, le sculpteur est parvenu à dénouer la contradiction entre forme et matière. La solution tient en un mot: la mise en mouvement. Car ces sculptures vivent. Figures énigmatiques, volontairement inachivées parfois - chacune offre mille profils.
Dans ces lignes pures ou tourmentées, il y a de la magie: un polymorphisme discrètement exubérant, une puissance sourde, une immobilité mouvante qu'accentue un usage particulièrement heureux des volumes. Un art des métamorphoses.
Qu'une même oeuvre abrite une multiplicité d'oeuvres, une certaine avant-garde n'avait cru cela possible qu'à congédier définitivement la forma. CHABLAIS fait justice de cette illusion en réconciliant le jeu et la contrainte, pour notre plus grand plaisir. Une recherche à suivre.